Encore une fois, les souvenirs d’Halloween me reviennent en tête quand je vois les petits attendre fébrilement le soir du 31 octobre.
Je me rappelle encore de la fébrilité qui m’habitait quand, en finissant de souper le 31 octobre, j’allais revêtir le déguisement que j’avais dument choisi pour faire la tournée des maisons du voisinage.
Je me souviens des moments où, patientant calmement dans le vestibule, j’attendais que mon père se décide enfin à mettre son manteau pour nous accompagner, ma sœur et moi dans notre chasse au trésor.
Je me souviens de cette époque où le simple fait de recevoir un morceau de chocolat suffisait à ensoleiller mon existence pendant des jours et des semaines.
Ces soirées spéciales dans mes souvenirs d’Halloween
Je me souviens de ces soirées où, l’espace d’un instant, je devenais quelqu’un d’autre : une policière, une princesse , une sorcière, où le jugement des autres n’avait soudainement plus de valeurs, nous étions tous déguisés, l’espace d’une journée, d’un moment, nous n’étions plus nous-mêmes, nous pouvions jouer la comédie, les querelles de récréation étaient mises de côté, une trêve implicite les reléguant au lendemain, l’espace d’une journée, nous changions de peau, d’apparence, d’existence.
Mais comme toutes bonnes choses ont une fin : les années ont passé, j’ai vieillie et soudainement, sans crier gare, mes parents m’ont annoncé un jour que j’étais devenu trop âgée pour passer l’Halloween. Comme si la capacité de se glisser dans la peau de quelqu’un d’autre était déterminée par un âge physique.
Déçue, je m’efforçai de contenir ma frustration et de crier sur tous les toits, un peu à la manière des autres filles de mon âge, que l’Halloween était une activité pour les enfants et les fillettes. Ceux qui pouvaient encore se permettre le luxe de prendre part à la récolte de friandises, parce qu’ils avaient eu la chance de connaitre une poussée de croissance moins fulgurante que la moyenne des jeunes de mon âge, nous nous assurions de les humilier, de les taquiner en leur disant qu’ils étaient immatures, qu’ils étaient des fillettes.
À le répéter, nous étions presque rendus à le croire nous-mêmes, mais secrètement, discrètement, nous envions tous ceux qui pouvaient encore ressentir les papillons précédant la sortie du soir de l’Halloween, l’euphorie de rentrer chez soi et de vider le contenu de notre sac pour faire l’inventaire de ce que nous avions reçu.
Des souvenirs précieux
Hélas, tout cela, c’était du passé. Nous devions passer à d’autres choses, ou encore nous recycler à répondre à la porte pour distribuer à notre tour les friandises que nous désirions si ardemment quelques années plus tôt.
Quelques années plus tard, aux alentours de la fin d’octobre, j’ai toujours des pensées teintées de mélancolie lorsque je vois le paysage estival tranquillement troquer sa couleur verdâtre pour les couleurs vives et chaudes de l’automne : le Rouge, le Jaune, l’orangée.
À mesure que les jours, fatigués et épuisés perdent du terrain au profit de la Nuit et que les températures se mettent à diminuer tranquillement, annonçant l’arrivée prochaine de l’Hiver, j’aime toujours être témoin de la joie et de l’excitation de ceux qui ont pris la relève dans la chasse annuelle aux friandises. Je m’ennuie soudainement de ces jours où tout paraissait si simple, où la vie tournait autour des camarades de classe et où le simple fait de recevoir un morceau de chocolat me remplissait de bonheur.
J’aimerais tant retrouver cette naïveté, cette simplicité involontaire de l’esprit, cette capacité d’émerveillement devant des situations qui me paraissent aujourd’hui si banales : cette euphorie qui m’habitait au moment de revêtir mon costume d’Halloween avant de sortir dans les rues du voisinage, accompagnée de mon Père et de ma sœur pour récolter mon butin.
Chaque fois que je me balade, un 31 octobre, et que je remarque dans les yeux d’un enfant, la flamme d’émerveillement qui s’est depuis longtemps éteinte dans les miens, je n’ai qu’une seule envie : lui crier tout haut qu’il devrait profiter de ces années d’innocence et de sa chance de pouvoir accumuler des souvenirs impérissables pour vivre chaque moment de cette journée.
Parce qu’à l’intérieur de moi-même, cachée et ensevelie sous la montagne de cicatrices émotionnelles qui ont poussé mon innocence à ses derniers soupirs, je sais que la jeune enfant que j’étais jadis est encore là, attendant le jour où j’aurai à mon tour des enfants pour renaitre de ses cendres et retrouver l’euphorie de parcourir les rues à la recherche de friandises.