Nerveuse, je regarde une autre fois derrière moi pour réaliser avec horreur que l’ombre qui me poursuit depuis ma sortie de la bouche de métro est encore à mes trousses, le visage caché par l’ombre de sa casquette et le faible éclairage dont bénéficie ce coin de quartier. Mon cœur bat à la chamade et menace à tout moment d’imploser, ma respiration est saccadée, ma tête me fait un mal de chien et je commence à avoir mal aux pieds à force de précipiter ma démarche tout en tentant de demeurer calme et de dissimuler la terreur qui m’habite.
Du néant, jaillit l’ Ombre
À la sortie de l’escalier qui lie la station de métro à la rue du Chardonneret, j’ai fouillé dans mon sac à main pour m’emparer de mon téléphone. Deux appels manqués : ma mère, et mon coéquipier de biologie qui pense encore, malgré la marée de signes que je lui envoie depuis deux ans, avoir la chance de conquérir mon cœur. Je me débarrasse donc des deux notifications avant d’ouvrir mon application de messagerie pour avertir ma mère que je vais arriver à la maison dans la demi-heure qui suit. Du coin de l’œil, je remarque alors un grand gaillard qui semble porter son regard sur moi. Impossible au fait d’en être certaine car l’épaisse casquette qui lui coiffe la tête porte une ombre dense sur son visage. Je le regarde avec dégout avant de me mettre en marche vers la maison. Après une ou deux minutes, je remarque que le pervers marche derrière moi, trainant de la patte d’environ 100 mètres tout en gardant la tête bien haute.
Tout ça commence à m’embêter, je suis habituée à me faire reluquer par les pervers, ce n’est certainement pas la première fois que ma silhouette élancée, mon épaisse chevelure blonde et mes minijupes criardes enflamment la libido procréative de vieux ringards. Je décide donc d’accélérer le pas et de tourner sur la prochaine rue pour me débarrasser de ma filature.
Le piège se referme
Arrivée à l’intersection, je tourne brusquement à droite et d’un pas rapide, je tente de prendre mes distances avec l’ombre . Avec espoir, je me retourne rapidement pour constater avec irritation que la silhouette est toujours à ma poursuite. D’un pas lent mais régulier, constant comme une horloge, le gaillard continue à fermer la marche. Je décide donc de m’arrêter et de lui faire face, de lui demander de me ficher la paix et d’aller s’acheter un magazine osé au lieu de faire suer les jeunes femmes de son intolérable présence. Quand il voit que je me suis arrêtée, l’ombre s’immobilise lui aussi et continue à me regarder, immobile et silencieux. Malgré moi, un long frisson parcoure mon échine et c’est avec hâte que je reprends ma marche d’un pas plus soutenu.
Je ne suis plus d’humeur à rigoler, je réalise brusquement que cette histoire n’est pas de celles qu’on raconte dans un éclat de rire entre copines, mais plutôt de celles qui font les manchettes des journaux, qui terrorisent les parents et qui réveillent de vieilles peurs ensevelies sous le poids du quotidien monotone. Je me presse de rejoindre la prochaine avenue et je tente de trouver un commerce, un passant ou encore mieux, une voiture de police pour me sortir de la fâcheuse situation dans laquelle je suis malgré moi plongée.
De l’ Ombre, jaillit la Lumière
En tournant l’intersection, je croise un policier en train de rédiger une contravention pour une voiture stationnée illégalement. Sans perdre un instant, je me précipite dans ses bras et lui raconte qu’un homme mystérieux me suit depuis de longues minutes, il m’écoute avec attention avant de poser sa main sur son arme de service et de tourner le coin pour ouvrir le dialogue avec mon bourreau. Me réfugiant timidement derrière lui, je jette un regard vers le dernier endroit où j’ai aperçu l’homme mystérieux pour constater avec un mélange de joie et de peur que la rue est complètement déserte.
Malgré toute sa bonne volonté, le policier ne réussit pas à masquer son impression que toute cette histoire n’est que le fruit de l’imagination fertile d’une adolescente en manque de sensations fortes. Gentiment, il m’offre de me reconduire chez moi, avalant ma fierté et mon orgueil, j’accepte évidemment son offre.
Ai-je réellement été en danger ce soir-là ?
Je ne le saurai jamais…
Mais la silhouette, l’ombre oppressante de l’homme qui m’a suivie hante encore mes cauchemars les plus sombres…
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